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Anne-Marie témoigne

    Je suis diabétique de type I depuis plus de 60 ans, et j’ai vu durant toutes ces années les moyens médicaux, la manière de traiter les diabétiques jeunes et âgés, évoluer de façon considérable.

    Anne-Marie Muraire raconte …

    L’INSULINE

    Née en 1922, émanant d’hormones de bœufs et de porcs, les plus adaptées aux hormones humaines, elle commença par sauver les vies des diabétiques de l’époque de mon arrière-grand-père.

    Aujourd’hui l’insuline est devenue une création de synthèse industrielle qui n’a plus rien à voir avec les insulines animales.

    1959 :  première piqûre d’insuline lente que l’on m’injectait tous les matins. Son effet durait plus ou moins 24h.

    A l’époque j’avais 3 ans et la douleur de l’enfant n’était pas considérée.

    Suite à un coma avec acidocétose, je me suis retrouvée à l’hôpital Necker : on venait de découvrir que j’étais diabétique.

    Chaque matin, cinq infirmières venaient me piquer avec des aiguilles qui n’étaient ni aussi courtes ni aussi fines que celles d’aujourd’hui. En fait, quatre infirmières me tenaient pendant que la cinquième piquait.

    Les visites parentales étaient limitées de 14h à 16h.

    Les médecins de l’époque n’avaient pas jugé nécessaire d’y associer un régime, je mangeais alors comme tous les enfants, des gâteaux et parfois des sucreries.

    Les effets de cette insuline étaient désastreux sur la peau. Au bout de quelques temps apparaissaient des « trous » sur les lieux d’injection, fort heureusement ils ont disparu quand on a changé mon insuline.

    Au fur et à mesure, le diabète évoluait et les besoins d’insuline aussi.

    J’utilisais à ce moment-là, une insuline, dont la densité n’était pas la même que celle d’aujourd’hui, qui sont toutes à 100u/ml ce qui fût une véritable avancée à mon sens.

    En effet, si le besoin d’augmenter les doses se faisait sentir, on n’augmentait pas de 5 unités mais de 50, donc des piqûres vraiment beaucoup plus importantes qui ne se diffusaient pas très facilement. Sans compter, les risques d’erreur entre les insulines densifiées à 10u/ml et celles à 100u/ml.

    J’en ai fait les frais par un deuxième coma avec acidocétose. Ma jeunesse et ma volonté de liberté en étaient peut-être la raison mais pas que…

    Le risque d’erreur aujourd’hui est beaucoup moins grand puisque toutes les insulines sont à 100u/ml.

    LA POMPE

    1982 : première grossesse et joie immense car pendant des années, la plupart des médecins m’avaient expliqué, à tort ou à raison durant mon adolescence – il faut se remettre dans le contexte des années 1965 – qu’il ne m’était pas possible de faire des enfants quand on était diabétique.

    Une véritable évolution, aujourd’hui tous les diabétiques peuvent enfanter avec une surveillance accrue et sous certaines conditions.

    La grossesse débuta par un coma d’hypoglycémie en pleine nuit au bout d’un mois et un équilibre désastreux impossible à gérer.

    Le professeur Passa de l’hôpital St Louis et le docteur Leblanc décidèrent de me soigner avec une pompe à insuline externe qui me fut alors prêtée par l’ASSERATD, tout juste créée.

    La Sécurité Sociale ne prenant pas en charge ce moyen de soin, je leur en fus extrêmement reconnaissante.

    Un engin plutôt imposant porté 24h sur 24, relié à un cathéter implanté dans le ventre, qui devait être changé tous les 8 jours. Chose que j’effectuais moi-même.

    Une véritable avancée car beaucoup moins de piqûres et un équilibre beaucoup mieux atteint.

    L’insuline rapide est distribuée en deux temps simples : rythme de base et bolus.

    Le rythme de base constitue en une distribution continue d’insuline pré-dosée dans le corps pour une durée de 24h.

    Le bolus est un ajout que l’on calcule soi-même au moment des repas.

    Cette superposition d’insuline demande une vraie capacité de gestion personnelle et surtout on apprend à jongler avec les doses.

    Cette pompe m’a permis d’avoir 2 enfants grâce à un équilibre beaucoup mieux géré et évitait ainsi un certain nombre d’injections par jour. Je vous rappelle mes antécédents en matière de piqûres.

    Les pompes externes d’aujourd’hui sont beaucoup plus petites et beaucoup plus précises. Les rythmes de base peuvent être changés en taux et en fonction des heures souhaités dans une journée de 24h.

    Bref aujourd’hui plus de montagnes russes, d’hyper et hypoglycémies auxquelles j’étais abonnée.

    Cet appareil a certains inconvénients, heureusement faciles à pallier, ce n’est en partie qu’une mécanique/électronique qui, comme toute voiture, nécessite un certain entretien.

    Je crois cependant qu’il faut savoir garder la tête froide et réagir très rapidement pour pouvoir utiliser ce genre de machine. 

    Son utilisation est une décision qui doit être prise d’abord par le patient grâce à l’avis éclairé du médecin. Il existe aujourd’hui des pompes qui sont reliées à des capteurs permettant à la pompe d’éviter elle-même les hypo ou les hyper glycémie.

    Je n’ai pas souhaité utiliser ce système, mais il est certainement très adapté pour certains d’entre nous.

    Ceci m’amène à la troisième évolution que je considère comme un vrai plus dans l’histoire de mon diabète.

    LES CAPTEURS

    Enfant, une analyse de la goutte de sang sur le bout du doigt ne s’effectuait que tous les 6 mois en laboratoire avec les prises de sang adéquates.

    Un parcours assez difficile à supporter pour moi.

    Le reste du temps pour gérer au mieux les doses d’insuline à injecter, chaque matin on mettait une goutte d’urine du réveil sur un cachet blanc. Au bout de quelques secondes, le cachet prenait une couleur qui indiquait plus ou moins le taux de sucre présent dans les urines. C’était vraiment très peu précis et malheureusement parfois trompeur.

    En fonction de la couleur, il était possible de réitérer le processus sur un autre cachet blanc pour savoir s’il y avait de l’acétone. C’était vraiment très approximatif !

    Ce système fut ensuite remplacé par des bandelettes, toujours selon le principe de l’urine, un peu plus précis mais pas parfait, ça avait tout de même le mérite d’exister.

    Le premier changement franchement intéressant fut la goutte de sang sur une bandelette que l’on faisait soi-même. Cette bandelette était introduite dans un petit appareil que l’on pouvait trimbaler avec soi partout.

    Là encore l’ASSERATD a participé à cette évolution en me fournissant l’appareil. Sa précision n’était pas à remettre en question.

    Les résultats qui en découlaient permettaient une bien meilleure gestion de l’insuline.

    Sont apparus, il y a quelques années, sur le marché des « capteurs ».

    Ce sont des patchs avec une aiguille (encore une) que l’on installe soi-même sur le bras. Il doit être changé tous les 15 jours à heure fixe. Un petit appareil passe dessus, bien que maintenant il est possible de le faire avec son smartphone.

    L’avantage est la facilité et surtout la vision des résultats qui peuvent être enregistrés sous forme de courbe journalière. Un énorme avantage pour la gestion du diabète. D’abord pas de piqûres au bout du doigt (sic) ensuite le nombre d’analyse reste tout de même assez limité. 

    Aujourd’hui qu’on soit dans la rue, au cinéma, au théâtre chez des amis il est possible de vérifier son taux de glycémie, la nuit c’est plus facile aussi.

    Je suis très loin d’être une « geek » mais je me suis adaptée à toutes ces évolutions que je maîtrise sans problème et j’ai du coup progressée dans la compréhension et la maîtrise de ma maladie.

    Pour finir, je suis avant toute chose très redevable aux médecins qui m’ont suivie et à l’ASSERATD qui m’a aidée à améliorer mes capacités de gestion de la maladie.  C’est pourquoi je suis très heureuse de l’aider au mieux à soutenir son action.

    Ma vie est devenue tellement plus facile que le diabète n’est pas plus compliqué pour moi que de me laver les dents. Les décisions de gestion sont des réflexes.

    J’ai pu avoir une vie de famille normale avec des enfants et des petits enfants.

    J’ai beaucoup voyagé dans des pays assez lointains pour le plaisir et eu la chance de vivre à l’étranger – pour moi, le comble de la liberté, mon maître mot, après les années un peu plus difficiles de mon enfance et de mon adolescence.

    J’ai appris aussi à ne plus avoir honte de cette maladie. Autre temps, autre époque !